En voiture chacun!

En voiture chacun!

« Le Drive-In des Quinconces ou l’apologie du monde d’avant : en voiture, chacun ! »

Il est venu le temps des injonctions contradictoires. La nouvelle vient d’arriver, à Bordeaux à travers une initiative pour le moins surprenante en ces temps de « sobriété écologique » et de mesures post-confinement.

Sous couvert d’une offre culturelle populaire, « à l’ancienne », dit-on, voilà le programme : un Drive-in, c’est-à-dire une projection cinéma de plein air, vue depuis… une voiture ! Au menu, un programme de 10 projections étalées sur plusieurs semaines, rassemblant à chaque fois des centaines de voitures sur la place des Quinconces en plein centre-ville de Bordeaux. Et comment peut-on s’y rendre ? « En voiture, évidemment » nous indique-ton. Mais oui, bien sûr.

Alors Vélo-Cité s’interroge : avons-nous suivi les mêmes actualités récentes ? Sommes-nous dans le fameux « monde d’après » dont on nous vante les mérites ?

Depuis quelques semaines, nous savons tous que la crise sanitaire que nous traversons trouve son origine dans la crise écologique et environnementale. La pandémie, toujours en cours, doit-on le rappeler, continue de démontrer la fragilité de nos écosystèmes et nous incite à reconsidérer l’impact écologique comme une condition même de nos activités et de nos choix individuels et collectifs.

Face à ces nouveaux paradigmes, les collectivités et les associations se sont efforcées d’œuvrer en faveur de l’aménagement de l’espace public, et en particulier des mobilités alternatives et non polluantes, permettant d’associer vertueusement la nécessité environnementale et sanitaire. Ainsi, par exemple, dans la plupart des métropoles, de nouveaux aménagements cyclables ont vu le jour tandis que l’espace public a été repensé.

On s’interroge toujours : quelle intention a conduit à relayer cette initiative nationale, et à lancer ce programme quelques jours après le déconfinement ? Quel message fait-on passer à travers cet évènement ?

A l’origine, on peut le deviner, une équation simplissime: distanciation sociale + offre culturelle = Ciné Drive. La condition écologique est vue comme une variable d’ajustement, tandis que la voiture, outil répondant à des nécessités de déplacement, devient opportunément une condition alliant espace privatif confiné et offre culturelle. A rebours des initiatives d’encouragement à la mobilité alternative, on participe à l’apologie de ce qui constitue aussi un transport individuel polluant : au temps de la pandémie, la voiture devient le cocon privilégié indispensable pour se rendre et participer à un évènement culturel.

Pourtant sur le papier, une initiative très louable : une projection cinéma en extérieur, une programmation en hommage aux aides-soignants, des bénéfices reversés aux cinémas indépendants face à la crise.

Il existe de nombreuses solutions de soutien financier et de souscription publique aux structures culturelles. Pourquoi alors faire porter la responsabilité indirecte de cette mesure polluante et inconséquente aux cinémas indépendants ? Le cinéma de plein air constitue une offre culturelle populaire de grande qualité : pas celui qui occasionne le déplacement et le stationnement hebdomadaire de plusieurs centaines de voitures en centre-ville. Dans ce contexte d’immense parking et de public confiné, c’est d’ailleurs une drôle de conception du « plein air » qui est proposée. Depuis des années, le monde de la culture travaille pour la mise en œuvre de mesures de mobilités alternatives (transports collectifs / navettes / vélo / marche), et de façon générale s’efforce progressivement à diminuer l’impact écologique des évènements culturels (zéro déchet, consommation responsable) et prouve que l’on peut allier exigence culturelle et responsabilité écologique.

« A l’ancienne » ? Vintage? Non : forcément rétrograde.

Le Drive-in existe rappelons-le, depuis les années 30 et a émergé grâce au développement conjoint de l’industrie automobile et de l’économie du divertissement. Sans reconsidérer les pratiques culturelles de cette seconde moitié du XXe et l’insouciance écologique qui les ont permises, il s’agit de prendre en compte l’évolution des paradigmes et, plus actuellement, avec les efforts de mise en cohérence de l’espace public et des mobilités avec les exigences environnementales.

Doit-on regretter les Drive-in de la société occidentale post-industrielle ? Non, il faut passer à autre chose.

A l’heure donc où le monde de la culture se transforme avec son époque, à l’heure où on aménage l’espace public face à la crise, à l’heure ou l’on apprend à faire disparaître les voitures des centres-villes au profit des habitants et de la qualité de l’air, cette proposition culturelle apparaît d’un autre âge : un déni de réalité, un bond en arrière, une triste anachronie.

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