Dix minutes de plaisir

Dix minutes de plaisir

Par Marine Legendre, médecin au CHU de Bordeaux

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En cette période de confinement, débâcher mon vélo cargo signe le début de dix minutes de liberté jusqu’à l’hôpital. J’avoue, j’en ai même laissé tomber mon casque… Je sais, c’est mal. Je jette un œil distrait à droite, à gauche, de toute façon, personne ne roule. Dix minutes, je suis seule, je n’ai plus à trouver une occupation à mon fils et je n’ai pas encore à porter de masque ou à me badigeonner les mains de solution hydroalcoolique, je suis à distance très raisonnable de toute âme qui vive, tout va bien. Dix minutes qu’il va falloir rentabiliser puisqu’elles seront à la fois ma séance de sport, mon équivalent de balade dominicale (même si on est jeudi, enfin je crois) et ma seule opportunité de lien social, alors il ne s’agit pas de se rater. Je mets l’assistance électrique au minimum pour faire chauffer les cuisses, j’essaie de m’attarder sur les haies et les arbres en fleur, j’irai peut être acheter les mêmes quand on le pourra à nouveau et je détaille toutes les personnes qui font la queue sur le trottoir devant la boulangerie, des fois qu’il y aurait une tête connue !

Et les dix minutes sont déjà passées. Il n’y a rien eu pour me retenir, je n’ai pas eu à éviter les écoliers pressés sur la place, je n’ai pas attendu au feu pour laisser passer les trams, je n’ai pas râlé contre la voiture qui me colle un peu trop et summum, j’ai garé mon « poids lourd » dans le parking fermé du CHU sans problème. Je décharge les documents pour le boulot, les puzzles et autres livres dont on fait le trafic avec les collègues pour occuper les petits comme on peut, mon repas, mon sac à main… Il me tarde déjà le retour ; d’autres puzzles, d’autres livres, je vais faire un heureux ! Je m’arrêterai faire les quelques courses nécessaires et apprécierai encore plus que d’habitude de pouvoir me garer juste devant mon commerce de quartier. Je m’autorise quelques modestes folies, je fais quelques mètres sur le trottoir vide pour ne pas avoir à faire le détour du sens unique, je me sens une véritable hors la loi (on vit l’aventure qu’on peut) ! Merci à mon engin pour la bouffée d’air !

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