Pont de pierre : lettre ouverte de Vélo-Cité aux conseillers métropolitains

Pont de pierre : lettre ouverte de Vélo-Cité aux conseillers métropolitains

Le 22 janvier prochain, la décision définitive sera prise concernant la fermeture du Pont de pierre au trafic auto.

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Vélo-Cité a transmis le 21 décembre dernier une lettre ouverte aux conseiller.e.s métropolitain.e.s dont voici la retranscription :

« La mobilité s’apprend, s’expérimente, nécessite des connaissances et des compétences »

LETTRE OUVERTE AUX CONSEILLERS MÉTROPOLITAINS POUR LE MAINTIEN DU PONT DE PIERRE SANS VOITURE

Mesdames et Messieurs les élu.e.s,

Vous connaissez l’engagement constant de Vélo-Cité à promouvoir à vos côtés une ville respirable et attractive. Notre soutien à la pérennisation de l’expérimentation réservant le Pont de pierre aux transports en commun et aux modes actifs n’est pas dogmatique ni idéologique : il est réaliste et nécessaire.

Comme nous, vous savez qu’il n’est pas possible de continuer une politique urbaine ambitieuse avec les niveaux de pollution que l’on connaît aujourd’hui sur la Métropole. Les chiffres ne sont pas tous publiés tellement ils montrent une facette de Bordeaux que personne ne veut voir et dont tout le monde aurait honte. La promesse du « grand air du Sud-Ouest » que l’on imagine trouver en venant à Bordeaux n’est pas tenue.

Comme nous, vous faites chaque jour le constat général d’une circulation automobile de plus en plus difficile dans la Métropole. La rocade en est le point le plus visible et c’est malheureusement le sort de toutes les grandes villes du monde qui laissent trop de place à la voiture. Les embouteillages à Bordeaux, ce n’est pourtant pas nouveau. Cette circulation difficile (ainsi que le stationnement) peut avoir empiré depuis la rentrée de septembre. Sur la rive droite notamment, c’est indéniable. Mais mettre systématiquement cela sur le compte de la fermeture du Pont de pierre aux voitures, comme le font régulièrement les médias locaux, parce que cela « fait vendre », c’est méconnaître la réalité de nos quartiers et de nos activités : la reprise économique, les multiples chantiers, l’arrivée de nouveaux habitants, l’éloignement des lieux d’habitation, l’attractivité touristique et économique, génèrent chaque jour de nouveaux déplacements.

Toute amélioration structurelle s’inscrit dans le moyen ou long terme. Seuls des changements de comportements peuvent agir sur le court terme. Les voitures s’achètent en général avec le mythe de la liberté suprême. Aujourd’hui en ville, la vraie liberté n’est pas de posséder une voiture pour être prisonnier d’un mode de transport unique et passer 30% de son temps d’utilisation à trouver une place de stationnement. La vraie liberté urbaine aujourd’hui est celle de pouvoir choisir son mode de transport pour chaque déplacement : « on y va en tram ou bus ? à vélo perso ou avec un Vcub ? à trottinette ou à pied ? en autopartage ou en covoiturage ? » « Allons-y avec un Vcub à l’aller et on prendra le tram au retour ! »

Aujourd’hui à Bordeaux, les moyens de transports alternatifs à la voiture individuelle que vous avez développés permettent d’accéder à cette nouvelle liberté, avec des temps de transport souvent équivalents. La fermeture du Pont de pierre n’est pas l’aboutissement de cette politique, mais une incitation forte auprès du grand public en faveur d’un report modal vers les modes de transports alternatifs, et l’expression d’une ambition pour aller plus loin. Il ne faut pas revenir en arrière.

Pour accompagner la fermeture du Pont de pierre et en faire un succès pérenne, des actions à court terme sont encore nécessaires, notamment afin d’améliorer l’attractivité des solutions de transport alternatives à la voiture individuelle pour les déplacements de la périphérie vers le centre.

En matière de communication, il s’agira de faire connaître le plus largement possible à l’ensemble des habitants de la Métropole :

    • les excellents chiffres de fréquentation sur le pont depuis le début de l’expérimentation, et notamment le fait qu’il y a maintenant autant de personnes qui traversent le pont chaque jour, alors même qu’on y a enlevé les 15 000 voitures/jour ;
    • les nouveaux comportements qui ont émergé chez beaucoup de nos concitoyens, par le biais de spots vidéo ou de reportages web/télévision, pour donner envie à ceux qui hésitent encore ;
    • les résultats des enquêtes qualitatives menées in situ auprès des usagers du Pont ;
    • l’absence d’effets de sa fermeture sur les problèmes généraux de circulation et notamment sur la hausse globale du trafic rive droite, malgré le sentiment populaire qui tend à faire croire le contraire ;
    • les alternatives concrètes qui existent pour rejoindre le centre-ville depuis la rive droite : tram, bus, bateau, Vcub, vélo, marche…. en insistant sur la pertinence de ces modes notamment en matière de coût et de temps de parcours ;
    • l’autopartage et le covoiturage et mettre en place des mesures ambitieuses, contraignantes et/ou positives (voir l’excellente tribune de la coopérative Citiz sur le journal en ligne Rue89 Bordeaux et intitulée : Rien n’empêche l’avènement de la voiture en commun : https://rue89bordeaux.com/2017/12/rien-nempeche-lavenement-de-voiture-commun/);
    • les alternatives concrètes qui existent pour faire ses courses autrement qu’en voiture et dans les centres commerciaux de périphérie, en privilégiant au contraire le passage répété et régulier chez les commerçants de proximité : il n’y a pas de fatalité à ce que les baisses de chiffre d’affaire dont on entend parler soient aussi importantes que certains le prétendent.

Et plus généralement :

  • démontrer que la loi oblige aux changements (PDE obligatoires en 2018) ;
  • expliquer l’ambition de la Métropole pour améliorer la qualité de l’air, diminuer la consommation d’espace urbain par l’auto, la tranquillité sonore, et en faire un objectif partagé par tous ;
  • rendre l’opération ponctuelle « un mois sans voiture » accessible à tous tout au long de l’année ;
  • proposer de l’accompagnement aux changements de mode de mobilité : beaucoup de nos concitoyens sont favorables mais ne savent pas comment faire ;
  • rendre récurrents les messages liés aux mobilités alternatives sur l’espace public .

En matière de vie urbaine sur la rive droite, des améliorations sont à apporter au plus vite :

  • créer des parcs relais provisoires « au sol » là où c’est possible et en attendant que les projets urbains se concrétisent ou se terminent (friches Brazza, Lissandre, port de Bassens, bas Floirac, plaine de Bouliac, ZI Artigues…), pour absorber la hausse du trafic et éviter que celui-cl ne continue de s’insérer dans les plus petites rues de la ville ;
  • relier ces parcs relais provisoires par des dessertes bus express, fréquentes et directes jusqu’à la place Stalingrad, notamment le long des berges de la Garonne et des grands axes pénétrants ;
  • renforcer le pôle d’échange de la place Stalingrad, en faisant s’arrêter sur la place les lignes de bus actuelles qui passent à proximité (liane 10, ligne 45, bus Transgironde…), de manière à faciliter la correspondance entre ces lignes et le Pont de pierre ;
  • créer des aménagements cyclables sécurisés pour les cyclistes sur les grands axes structurants qui en sont encore dépourvus, de manière en encourager le report modal vers le vélo et décongestionner le trafic automobile : boulevard Joliot Curie, boulevard de l’Entre-Deux-Mers, avenue Carnot, quai Français, etc. ;
  • créer des animations sur la place Stalingrad et intégrer celle-ci comme lieu incontournable du centre-ville ;
  • mettre en place un plan de régénération commerciale sur la place Stalingrad afin de favoriser l’implantation de commerces de proximité (commerces de bouche, de première nécessité…) qui permettent une vie de quartier riche et dynamique ;
  • Déployer les Vcub sur la Rive droite (Benauge, Bas Lormont et bas Floirac, Haut Cenon, Plaine de bouliac, Gare de Bassens…).

Nous tenons à féliciter le travail qui a permis de faire évoluer la part modale vélo, tel que l’a révélé la dernière enquête ménage-déplacements. Saluons également la diminution de la part modale de déplacements en voiture, passée sous le seuil des 50%. Toutefois, nous attirons votre attention sur les conclusions de l’enquête qui nous semblent contraires à la volonté commune de développer un territoire respirable et apaisé. En effet, ces conclusions expriment la volonté de créer une troisième voie sur la rocade. Rappelons que différentes études démontrent que c’est la contrainte d’un espace circulable restreint, qui conduit les usagers à changer leurs habitudes (localement, plusieurs milliers de voitures se sont « évaporées » suite à la fermeture du Pont de pierre). Créer de nouvelles emprises ne permettra pas de circuler de manière plus fluide, mais contribuera à remplir cet espace « libéré », par de nouvelles voitures. Il nous semble que ce scenario n’est ni ambitieux, ni viable et ne correspond pas à l’intérêt commun.

De même nous vous demandons de définir pour la Métropole, une politique cyclable globale et cohérente, à la fois centrale et périphérique. Il s’agit notamment de préserver les espaces déjà acquis aux cyclistes. Nous pensons évidemment à des axes structurants tels que la piste du Pont François Mitterrand, pour laquelle nous attendons l’étude d’impact et l’enquête publique annoncées.

Dernier point, et non des moindres en cette fin d’année : la question très sérieuse posée par un jeune adhérent lors de notre traditionnelle balade des lumières la semaine dernière : « est-ce que le Père Noël peut passer sur le Pont de pierre ? ».

Comptant sur votre entière mobilisation pour garantir à tous l’avenir et la promesse d’une ville moderne et respirable, nous tenons à vous souhaiter, Mesdames et Messieurs les élu.e.s, de très joyeuses fêtes de fin d’année.

L équipe de Vélo-Cité

 

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