Une façon d’être au monde…
Par Noëlle Bernard, ancienne factrice à Vélo-Cité, médecin à l’Hôpital Saint-André et co-pilote du groupe Développement Durable du CHU de Bordeaux
Un beau jour, il y a déjà trente ans, j’avais réalisé que j’avais parcouru plus de 40 000 kilomètres, soit le tour de la Terre ! Par pudeur, depuis, j’ai cessé de calculer. Ma fille m’avait alors fait remarquer que malgré ce grand trajet, j’étais « toujours au même endroit » : eh bien non, ma fille, car rouler à vélo est un acte militant d’une puissance symbolique incroyable, bien au-delà du simple coup de pédale ! Rouler à vélo est une façon d’être au monde, c’est… Ne dépendre de personne, être libre de s’arrêter pour regarder et s’étonner encore de la lumière de chaque jour, sentir les premières odeurs du printemps, ne pas polluer, ni en particules fines, ni en décibels, être économe, aller moins vite, vivre des instants étonnants comme un sourire échangé avec un ou une inconnu.e avoir une activité physique au quotidien et prévenir son risque cardio-vasculaire, etc. ou profiter d’instants pour méditer…
« Cela fait soixante ans que j’aime cet engin. Depuis toujours donc, cet outil est dans ma vie – au quotidien. »
Aujourd’hui, où notre Terre se fâche et hurle son besoin d’être respectée, je mesure la portée de cet acte du quotidien. Je l’avoue, j’ai peur et m’interroge : qu’attendons-nous de plus – quel cataclysme plus grand encore – pour apprendre à vivre autrement, plus sobrement ? Alors, sur mon VCub, seule dans les matins de Bordeaux pour rejoindre l’unité COVID dont j’ai la charge, je savoure les instants d’une ville offerte au silence et prie pour que nous devenions tous — très vite — cyclistes dans l’âme.